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Emphazium
17 septembre 2008

14.07.08 Défilé de la Biennale de la Danse à Lyon

    Affiche_biennale

    En sortant du métro place des Terreaux, j'eus l'impression étrange de savoir ce que ressentaient les gladiateurs des temps jadis : de chaque côté  de l'escalier menant à la chaussée, des hommes et des femmes me surplombaient, comme suspendus entre ciel et abîme terrestre, simples ombres chinoises vues à contre-jour. Je m'attendais presque à voir s'étendre à mon arrivée au sommet le cirque ensablé d'un colisée gallo-romain.
    Mais c'est le spectacle d'une ville en fête qui s'offrit à moi, l'onde houleuse d'une foule agglutinée aux barri!ères qui longeaient la rue. Ici, là, au loin, tout était recouvert d'une masse vivante de spectateurs. Les murs étaient couverts de personnes suspendues comme des épouvantails, yeux exorbités. Un parfum de tacite satisfaction flottait dans l'air de Lyon. Sur les maigres arbustes de la place de l'Opéra des fruits nouveaux, incommodément accrochés, affichaient leurs contorsions maladroites pour apercevoir le spectacle. Les échafaudages se trouvaient couverts d'occupants. Il était amusant de voir les bords de la rue de la République sous un nouvel oeil, sous le regard d'un curieux en recherche d'un poste d'observation. Tout peut-être propice à une ascension pour obtenir une meilleure vue;fenêtres, abris-bus, rambardes, portails, camions, escabeaux même apportés à cet effet.
    Je trouvais pour ma part, dans un premier temps, un poste de choix. Accolé à une rambarde, j'y discernais les danseurs du défilé dans leur intégralité et en détail.

   
Vint d'abord une troupe bariolées d'arlequins vêtus de rouge et coiffés de chapeaux cornus à clochettes. Ces danseurs du groupe appelé "les pointillés" allaient sporadiquement teinter le défilé de leur pourpre et s'y imposer comme leitmotiv. Ils maculaient les yeux de leurs cabrioles et déhanchements fantasques, adressant à la foule des regards entendus.

Pointill_s

    Puis les froufrous de vastes robes caressèrent les vibrations incessantes de percussions d'un peu de velouté délicat. Comme des éclats du soleil qui frappe sur un carreau sale, elles lavèrent l'oeil hagard du spectateur ainsi disponible pour accueillir un festival nouveau. De mystérieuses porteuses de bannières, suivies d'une forêt de drapeaux aigu, agitaient à plusieurs de grands bâtons recouverts de tissu coloré. Chacun de ces mats bigarrés, comme un portée joviale, libérait sous sa trame les mouvements courbés des femmes, notes délicates.

    La vibration des tambours se fit plus profonde, plus pressante de sa puissance. De l'ambre froide du temps lyonnais surgirent des amazones suaves, callipyges de tissu, qui attisaient de leurs bras délicats et de leurs jambes courbes la population masculine. Leurs regards, comme des braseros renversés, traversèrent la foule et s'y consuma sans ménage. Lucie, ma douce Lucie, vit une de ces braises toucher mon regard amusé et m'en gratifia d'un regard évocateur ! Mais derrière ces étincelles féminines surgirent tambours battants de virils guerriers décorés de motifs maoris, qui s'agitaient comme des incendies, roulaient de puissance et d'énergie, effectuaient un ana rude, parfaite antithèse complétive de la souplesse sensuelle de leurs homonymes de la gens féminine.

Caly_par_J

    L'embrasement s'atténua, étouffé par la glace de pierrots saugrenus affublés de costumes où étaient gelées d'intrigantes excroissances géométriques. Ils passèrent en silence et calmèrent de leur algèbre froid l'échauffement précédemment ressenti.  C'est alors que le bruit confortable du tintamarre forestier ouvrit son orée sur un horizon vert. Un général tout couvert d'humus menait de son austère visage une armée d'hommes-végétauxd'hommes-végétauxd'hommes-végétauxd'hommes-végétaux. Sous de grands chapeaux de verdure s'épanouissaient les corolles de robes émeraude, composées comme des salades fraîches. Pissenlits, gazon, mousse formaient la parure de femmes au teint de nacre et aux lèvres purpurines. La nature prêtait son vert à la Biennale. Des prêtres béats vomissaient par leurs panses obscènement crevées de grosses touffes d'herbe dont il distribuait des brins aux spectateurs.

    Puis voilà que d'orientales arabesques éclaboussèrent de leurs joies extraverties le cortège. Dans un manège grisant des danseuses aux yeux allongés et aux hanches secouées d'une seule et même marée déferlèrent sur la scène urbaine. Un char tout fardé de magnificence fendit cet océan étincelant , portant en figure de proue une odalisque alanguie qui gratifiait le spectacle de ses formes arrondies. Dans un costume miroitant fastueux elle pliait son dos léger qui semblait prêt à se rompre sous sa lourde parure.

    Entrelacé des fils rouges des "pointillés" le défilé se prolonge. Je lègue ma position à des moins grands que moi, avant de m'apercevoir que mon mètre quatre vingt cinq même ne suffisait pas à me garantir un panorama satisfaisant. Je trouvais donc, après quelques pérégrinations,, un poste agréable, enlacé à un barreau de fenêtre à plus d'un mètre au dessus du sol. De là, je vois passer un char infernal qui navigue porté par une cacophonie méphistophélique. Ses grands rouages et son immense horloge lui donnent un air implacablement menaçant. Derrière lui suivent, comme tirés par son aura maléfique, une harde de monstres bardés de monstres bardés de ferraille et brandissant des instruments aux formes inquiétantes. Funeste cortège, et pour cause : représentation du temps implacable qui de ses dents mâche, abîme et corrompt tout. Échec esthétique point du tout, car par le brillant de se son expression la troupe "Réveils du monde" nous emporte avec elle.

Horloge_funeste

    Et le défilé, avant de se clore sur une tribu de pierrots fantasques, livre un astre exotique chargé de la teinture chatoyante d'un Brésil fécond. Des danseurs endimanchés élaguaient de leurs pas légers un chemin pour une déesse. Ils tournent dans un cinémascope de chapeaux blancs et de chignons noirs. De longues jambes fuselées fendent l'air de leurs sveltes tracés avant de se rabattre langoureusement sous leurs bustes cambrés. Dans cette neige virevoltante, et sous une tempête de confettis, surgit une divinité à la peau café, auréolée de plumes, aux cheveux tressés d'où s'échappait un baume enivrant, et qui secouait son torse souple et ses seins d'ébène. Elle invitait, de ses jambes volatiles, Lyon à danser sous les étoiles d'une passion commune.

Danseuse_Braziiil


Photos : empruntées à mrnico(on Calyptratus) et Julien Fagnoni

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Emphazium
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